Confinement
Ça n’a pas l’air d’avoir changé grand chose.
Bien sûr, on a gagné quelques habitants : les maisons secondaires se sont remplies en quelques heures et les cheminées longtemps restées froides ont recommencé à cracher de la fumée.
Les parkings sont envahis de voitures : quand le travail est loin, dans la ville, on n’y part plus le matin. Avant, les gens n’étaient pas là dans la journée. Aujourd’hui, ils sont enfermés chez eux. De l’extérieur, ça ne change pas beaucoup.
L’école a dû fermer. La cour de récréation, enfermée entre quelques murs de pierre, ne résonne plus des cris des enfants aux heures de pause.
Le Bistrot a fermé, aussi et sa terrasse reste vide : il est l’un des derniers commerces du village et le centre de la vie sociale. On se croise sur la place, en allant chercher du pain au fournil deux fois par semaine, de loin, sans s’approcher et sans plus s’embrasser. Le voisin, ce si proche, serait devenu un danger potentiel. On y croit pas vraiment. Pas ici. Pas chez nous. Les autorités veillent, le maire rappelle les consignes. S’éloigner les uns des autres en faisant la queue au bistrot, au minuscule marché qui est maintenu. On échange les nouvelles à deux bons mètres de distance . Les masques sont apparus. Sur le visage des infirmières venues visiter les plus vieux, d’abord. Puis sur d’autres visages, même s’ils sont nombreux à faire de la résistance.
Il a fallu interdire l’accès à tous les endroits qui pouvaient accueillir un rassemblement ou les lieux de passage public. Le stade, pour les gamins. La bibliothèque ou la mairie. Le boulodrome reste désert, interdit lui aussi, alors qu’habituellement, le début du printemps marque le début de la saison des tournois pétanque/bière/jaune qui devrait durer jusqu’au début de la chasse. Le camion à pizza ne vient plus.
Dans ce silence, la faim des contacts humains se fait plus présente et on se prend à parler avec ceux avec qui on échangeait juste un bonjour il n’y a pas si longtemps. On a le temps : les journées s’étirent, après des jours à bricoler et à entretenir les jardins, l’ennui commence à pointer le bout de son nez. Alors on discute, au dessus des grillages qui séparent les potagers, d’une restanque à une autre : les infos, le traitement de Marseille, les décisions de ceux qui gouvernent, l’incertitude des temps à venir. Et les frissons à l’idée que ce coma social pourrait durer encore longtemps.